Exploration scientifique
La Planète revisitée en Papouasie-Nouvelle-Guinée
Entre octobre et décembre 2012, l'exploration de La Planète Revisitée en Papouasie-Nouvelle-Guinée a réalisé un inventaire de la biodiversité à l'un des endroits du globe dont les forêts sont les mieux pourvues en espèces végétales. Depuis le fond de la Mer de Bismarck jusqu'au sommet du Mont Wilhelm, près de 200 personnes ont cherché à documenter les espèces de la région.
L’exploration
Une telle exploration ne s'envisage pas à la légère : délimitation des problématiques scientifiques, préparation des protocoles de recherche, identification et démarchage des financeurs potentiels, mise en place de la logistique qui permettra d'accueillir, en deux mois, 84 personnes (dont 63 chercheurs, techniciens et assistants locaux)... Au final, deux ans de travail auront été nécessaires au montage de cette aventure. Les participants de la composante terrestre de l'exploration ont travaillé dans huit stations réparties de 200 m jusqu'à 3 700 m, chacune d'elles étant située 500 m plus haut que la précédente.
Mission terrestre
Cette exploration était avant tout destinée à recueillir des données sur la biodiversité « négligée », celle des invertébrés, qui représentent 80 % des espèces décrites aujourd'hui et demeurent peu connus, malgré leur importance dans le fonctionnement des écosystèmes.
Les scientifiques se sont concentrés sur le mont Wilhem fin 2012, puis sur la région de Wanang au premier trimestre 2013.
Mission marine
La richesse des fonds marins de la Papouasie-Nouvelle-Guinée n'a rien à envier à celle de ses forêts. Et pour cause : l'île est située au cœur du Triangle de Corail, la région de la planète abritant la plus grande biodiversité marine. Dans cette zone qui s'étend des Philippines à l'Indonésie vivent 76 % des espèces de coraux constructeurs de récifs de la planète. Sa richesse est telle qu'un seul hectare du Triangle de Corail peut contenir davantage de coraux que l'ensemble des Caraïbes, voire que l'océan Atlantique tout entier ! Ils constituent des habitats de choix pour une multitude d'espèces marines, dont une grande partie demeurent aujourd'hui encore inconnues.
De nombreux habitats jusqu'ici peu explorés ont été ciblés, tels que les lacs marins des environs de Madang ou les bois coulés, et une attention particulière a été portée aux interactions entre invertébrés, qu'il s'agisse de parasitisme, de commensalisme ou d'autre types d'associations.
La collecte marine
Les méthodes de récolte dépendaient du lieu ciblé : jusqu'à 30 ou 40 mètres de profondeur, les plongeurs faisaient leur sélection à vue, et utilisaient des outils tels que le suceur (sorte d'aspirateur sous-marin), les filets ou paniers à brosse. En dessous de la zone de plongée, des méthodes de chalutage furent utilisées. À partir de 150 m de profondeur et au-delà, chalut à perche et drague étaient les outils-rois. Toutefois, à la différence des chaluts de pêche, là-bas les filets étaient gréés de façon à récupérer la couche située au-dessus du fond, et à laisser fuir les poissons.
L'Alis, bateau scientifique, a permis d'animer la campagne hauturière. Long de 28 mètres, ce chalut équipé d'un portique mobile et de deux treuils de pêche est également une station de recherche comprenant un laboratoire humide permettant de filtrer les échantillons, et un laboratoire sec où ils peuvent être observés et photographiés.
Parallèlement à ces activités de collecte, de petits modules de colonisation furent déposés sur le fond afin qu'ils soient progressivement colonisés par la petite faune. Au bout d'un an, les communautés étaient supposées être suffisamment matures et représentatives des organismes vivant dans la zone.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée
La Papouasie-Nouvelle-Guinée est exceptionnelle à plus d'un titre : abritant le troisième plus grand bloc de forêts tropicales intactes après ceux des bassins de l'Amazone et du Congo, on estime qu'elle contient à elle seule environ 5 % de la biodiversité mondiale, alors qu'elle ne représente que 0,5 % des terres émergées. Considérée comme un véritable « mini-continent », suffisamment grande pour générer sa propre diversité, elle possède un taux d'endémisme très élevé : plus de 70 % de ses plantes ne poussent nulle part ailleurs. Pour autant, les études qui avaient pu être menées avant l’exploration se centraient surtout sur les forêts de basse altitude, sans s’attarder sur les montagnes tropicales.
Une biodiversité menacée
La biodiversité si particulière de Papouasie-Nouvelle-Guinée est fortement menacée par les activités humaines, et en particulier par la déforestation galopante qui ronge les forêts du pays. Entre 1972 et 2002, ce sont ainsi 15 % des forêts de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui ont disparu, dont plus de la moitié à cause de l'industrie forestière. Exploitées par des compagnies étrangères, le bois de Papouasie-Nouvelle-Guinée est exporté partout dans le monde. À ce rythme, on estime que la quasi-totalité des forêts accessibles auront vu leur surface dramatiquement réduite, ou auront purement et simplement disparu, d'ici 10 à 20 ans.
Le changement climatique et le réchauffement laissent entrevoir de profondes modifications des écosystèmes, notamment en altitude. En effet, ce territoire est un des rares endroits des tropiques où se côtoient des forêts tropicales humides et des écosystèmes alpins, particulièrement concernés par le réchauffement du climat.
Premiers résultats
Pour le volet terrestre, les scientifiques ont observé une distribution limitée des espèces selon l’altitude : ainsi, aucun palmier n’a été trouvé au-dessus de 2 500 m, aucune fourmi au-dessus de 2 200 m, ni de termites au-dessus de 1 200 m. Les résultats de la partie marine de l’exploration étaient à la fois excellents... et un peu inquiétants. D’un côté, les scientifiques sont rentrés avec une multitude d’échantillons (dont certains contenaient des espèces nouvelles), une collection exceptionnelle de photos d’animaux vivants, et une non moins phénoménale collection de tissus pour le séquençage. Mais d’un autre côté, les scientifiques ont également fait le constat que même la Mer de Bismarck au cœur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée n’est plus un paradis à l’écart du monde. Le lagon de Madang leur est en effet apparu impacté par les apports terrigènes (dépôts sédimentaires), eux-mêmes conséquence de la déforestation et du défrichage pour l’agriculture de subsistance d’une population qui a doublé en 15 ans.