À la fin des années 80, une révolution s'est produite dans le domaine de la biologie de conservation. À son origine, la question d'un chercheur, Norman Myers : « Dans quel endroit du monde un dollar dépensé a-t-il le plus d'effet pour ralentir l'extinction actuelle ? ». Afin d'y répondre, il fait alors une synthèse de la littérature existante, qui aboutira en 1988 à la formulation de sa théorie des hotspots, la contribution la plus importante à la biologie de la conservation du siècle dernier selon Edward O. Wilson,de l'université de Harvard et éminent spécialiste de la biodiversitécontraction du syntagme « diversité biologique » proposé en 1985 par le biologiste américain Edward O. Wilson, professeur à l’université de Harvard. La définition actuelle est la variabilité du vivant à différents niveaux d’organisation (gène, espèce, écosystème).. Partant de ces travaux, la jeune ONG Conservation International, créée en 1987, définira un certain nombre de hotspots au niveau mondial, pour mieux concentrer les efforts de conservation en argent et en temps. Aujourd'hui, 34 hotspots sont reconnus. C'est parmi eux qu'ont été choisies les destinations de « La Planète Revisitée ».
Deux conditions doivent être requises pour qu'une région soit considérée comme un hotspot de biodiversité :
- elle doit abriter au moins 1 500 espèces de plantes vasculairesVégétal caractérisé par la présence de racines, d'une tige, de feuilles, et de tissus spécialisés constituant des vaisseaux conducteurs permettant la circulation de la sève. Désigne donc les plantes à fleurs et à graines, ainsi que les fougères. endémiquesUne espèce est dite endémique d'une région géographique déterminée si elle n'existe que dans cette région.(toutes les plantes terrestres à l'exception des algues, des mousses et des lichens présentent uniquement dans le hotspot en question), soit plus de 0,5% du nombre total d'espèces de plantes vasculaires actuellement connues. Les plantes ont été choisies comme références car elles sont parmi les espèces actuelles les mieux répertoriées et sont un excellent indicateur de l'état de conservation de l'habitat ;
- elle doit avoir perdu plus de 70% des espèces depuis l'époque où l'homme a commencé à modifier les paysages, voici environ 8000 ans.
Toutefois, malgré ces critères communs, le niveau de menace qui pèse sur chaque hotspot peut varier énormément. Ainsi, le moins dégradé des hotpsots (les forêts australes du Chili) conserve encore 30% de son couvert initial, tandis qu'il ne reste que 10% de la superficie originelle des 11 hotspots les plus menacés. C'est sur ces 11 régions, qui concentrent un nombre record d’espèces de plantes et d’animaux endémiques dont l’extinction est peut-être imminente, que se focaliseront les expéditions de « La Planète Revisitée ».
Les chercheurs y feront des inventaires approfondis sur des espaces géographiques restreints, en se concentrant sur les espèces petite taille, naturellement rares et habituellement négligées par les organismes de protection et de conservation. En effet, si les « Rapid Assessments* » utilisés pour cartographier rapidement les hotspots à l'échelle planétaire ont fait la preuve de leur efficacité, ils sont en grande partie fondés sur la « grande faune charismatique » et les plantes vasculaires. Une approche qui laisse de côté de nombreuses espèces moins « visibles » (champignons, insectes etc.), alors même que ce petit peuple de la biodiversité joue un rôle fondamental au sein des écosystèmes.
Malgré un accueil globalement enthousiaste de la part de la communauté scientifique, les hotspots soulèvent un certain nombre de questions. Tout d'abord, le manque de données fiables sur la répartition des espèces à l'échelle de la planète constitue un biais important dans l'évaluation des zones à protéger. Certes, les hotspots concentrent, sur 16% des surfaces émergées, 42% des espèces de vertébrés et 50 % des plantes vasculaires endémiques, mais la majeure partie de la biodiversité est constituée par des espèces beaucoup plus petites, peu connues. Ensuite, les critères de sélection des hotspots, forcément arbitraires, sont également sujets à discussion : les variations de biodiversité végétale ne sont pas systématiquement superposables aux variations de la biodiversité chez d'autres espèces. Un constat qui a amené Birdlife International à définir des « aires d'oiseaux endémiques » sensiblement différentes des hotspots. Enfin, les hotspots sont principalement situés dans des zones de forêts tropicales. Ce qui exclut des écosystèmes tels que les zones humides, pourtant fondamentales pour les cycles biogéochimiques. Afin d'inclure ces « cold spots » dans les agendas de la conservation, le WWF a donc choisi de son côté de définir des « écorégions » basées à la fois sur des critères d'endémisme, de richesse spécifiques, de rareté taxonomique, et de processus écologique ou évolutifs originaux.
Tous ces points de vue, tantôt complémentaires et divergents, traduisent une seule réalité : nous manquons terriblement de connaissances sur notre environnement. Seule la synergie entre tous les acteurs de la conservation permettra de combler ces lacunes.
Si la notion d'aires géographiques a un sens lorsqu'on considère des écosystèmes terrestres, les choses se compliquent dès lors que l'on s'intéresse au milieu marin. En effet, la répartition spatiale des espèces y est très différente, notamment en raison des courants, et la notion d'endémisme par pays ou par micro-région n'existe pas vraiment. On trouve plutôt dans les océans des zones abritant une grande biodiversité, telle que l'Asie du Sud-Est et le Triangle de Corail, et des zones périphériques à priori moins riches en espèces (même si ces dernières, bien que moins peuplées, peuvent toutefois abriter des spécimen importants de par leur originalité). En d'autres termes, si, pour les écosystèmes terrestres, il est possible d'identifier avec une relative efficacité les zones à conserver en priorité en croisant les critères « nombreuses espèces endémiques » + « destruction importante des habitats », cette grille de lecture ne s'applique pas pour les océans. Or ceux-ci recouvrent plus de 70% de la planète, et abritent 32 des 33 phylums (embranchement) : terme issu de la systématique classique (linnéenne) n’utilisant pas la notion de rang, pour désigner une série homogène de taxons (lignée) dérivant d’un taxon donné.connus, dont 15 sont exclusivement marins ! Dans les océans, et plus particulièrement les zones côtières, c'est avant tout l'état des différents grands types d'habitats (récifs coralliens, mangroves...) qui va servir à mesurer la vulnérabilité des espèces marines.