Exploration scientifique

La Planète Revisitée à Madagascar

En 2009-2010, l’expédition de La Planète Revisitée à Madagascar a réalisé un inventaire de la biodiversité marine au nord et au sud de l’île. Cet inventaire manquait à l’étude de la biodiversité malgache, car à la différence du terrestre, les zones côtières et hauturières demeuraient peu étudiées.

Contexte

Baie de Lokaro - Madagascar

Baie de Lokaro - Madagascar

© MNHN

Au nord, de Nosy Bé au Cap d'Ambre, les fonds sont peu sédimentaires, ce qui reflète l'absence de grands fleuves à la côte. Par contre, plusieurs grands fleuves se jettent à la mer entre Nosy Bé et le Cap St André, dont la Betsibuka, le plus grand fleuve de Madagascar, et les fonds sont globalement beaucoup plus vaseux.

Le « Grand sud » de l’île de Madagascar n’a rien à voir avec les clichés associés aux îles tropicales. Là-bas, les eaux sont froides une partie de l’année, colonisées par des algues brunes. Il est également admis que sa diversité en espèces est plus pauvre que les îles septentrionales. Pourtant, de nombreux collectionneurs de coquillages parcourent les côtes de l’île et découvrent de nouvelles espèces. Voilà pourquoi les scientifiques du Muséum ont considéré qu’il serait intéressant d’y faire une exploration, pensant que ces découvertes hasardeuses représentaient la partie émergée de l’iceberg d’une biodiversité remarquable.

Madagascar

Madagascar se situe en périphérie du domaine tropical Indo-Pacifique, la plus vaste région biogéographique marine au monde. Celle-ci comprend toute la zone s'étendant entre l'ouest de l'océan Indien (mer Rouge et golfe Persique inclus) et les archipels polynésiens (Hawaii, Polynésie française, Île de Pâques). Une province immense, au sein de laquelle la biodiversité se répartit selon un gradient décroissant dont le cœur est le « Coral Triangle », en Asie du Sud-Est. Comparativement, les régions périphériques (Pacifique central à l'est, océan Indien à l'ouest) sont beaucoup moins riches en espèces. Cependant, ces zones « pauvres » sont riches en espèces endémiques, c’est-à-dire en espèces qu’on ne trouve que dans ce territoire.

Une île spectaculaire

Le Grand Sud malgache offre une biodiversité endémique remarquable

Le « Grand Sud » malgache offre une biodiversité endémique remarquable

© MNHN

Une île aux nombreux profils

Madagascar est une île volcanique du continent africain, elle est la 4e plus grande île du monde (un peu plus grande que la France). Elle est dotée d’une grande variété de reliefs : au nord, ce sont des massifs volcaniques difficiles d’accès et des plaines, les hauts plateaux du centre sont surmontés de massifs volcaniques parcourus par des cours d’eau avec des zones de marais, au sud des plateaux sont troués par des fleuves tandis que l’ouest est constitué de grands espaces. La côte orientale, quant à elle, est bordée de lagons protégés par une barrière de corail. C’est l’altitude et l’exposition aux vents dominants qui provoque la variété climatique.

De nombreuses espèces

Entre isolement et variété d’habitats, Madagascar dispose d’une faune et d’une flore anciennes qui ont pu évoluer de façon unique. Les espèces végétales sont ainsi deux fois plus nombreuses que dans toute l’Europe et la faune est extrêmement riche. Si des restes de fossiles demeurent (dinosaures, belemnites, aepyormis : autruches géantes), on trouve également des fosas (carnivores) et quantité d’espèces de lémuriens vivants. L’île abrite une trentaine d’espèces de caméléons, des tortues, des reptiles endémiques et au moins 220 espèces d’oiseaux.

La mission marine

À Madagascar, la plus grande partie des inventaires de biodiversité concerne le domaine terrestre. À l’inverse, le domaine marin n’a fait l'objet jusqu’à présent que d'un petit nombre d'études, majoritairement sur les grandes espèces charismatiques (dugongs, tortues, cétacés, requins) et les récifs coralliens. Ce manque de données est évidemment un obstacle à la mise en place de politiques de conservation efficaces. La faune sous-marine de Madagascar est pourtant abondante, on y trouve même des cœlacanthes (poissons).

Chan Tin Yam de l’Université marine de Taiwan, Keelung triant des spécimens de crustacés de la récolte du jour au labo du Centre de l’expédition. Fort Dauphin, Madagascar - La Planète Revisitée à Madagascar

© MNHN/PNI - X. Desmier

L’effervescence du soir dans le labo du Centre de l’expédition. Fort Dauphin, Madagascar - La Planète Revisitée

© MNHN/PNI - X. Desmier

L'Antea, navire de l'IRD, qui réalise les plongées le long de la côte sud malgache. Fort Dauphin, Madagascar - La Planète Revisitée

© MNHN/PNI - X. Desmier

L’exploration

En juin-juillet 2009 et avril-juin 2010, 2 campagnes d’exploration marine ont été mises en œuvre au nord-ouest de Madagascar et dans le Grand Sud malgache. Ces expéditions, dirigées par le Professeur Philippe Bouchet, ont permis d’inventorier la faune et la flore marines (poissons, algues, macrobenthos) et de décrire les grandes unités biogéographiques et les peuplements de ces zones, très peu explorées du fait des difficiles conditions climatiques, en particulier dans le Grand Sud malgache.

Enclave marine tempérée remarquable marquée par la présence d’eaux froides saisonnières et d’une ceinture d’algues brunes, l’extrême Sud de Madagascar offre en de nombreux aspects un paysage côtier marin différent du reste de l’océan Indien. Particulièrement riche en espèces endémiques, cette région présente une forte valeur scientifique et un potentiel de conservation important. Elle est particulièrement sous-explorée du fait de sa position géographique difficile d’accès et des conditions maritimes particulièrement rudes. L’Antéa, navire de recherche français, a accueilli la campagne scientifique dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, tandis que le Nord a été échantillonné grâce au crevettier qui a donné son nom à la campagne, le « Miriky ».

Le Barcode of Life (BOL)

Créé en 2003, le Barcode of Life permet d’utiliser une séquence d’ADN pour caractériser chaque espèce par une séquence d’un fragment d’ADN. À terme, le code-barre ADN doit permettre non seulement de découvrir et caractériser de nouvelles espèces, mais aussi d’attribuer un spécimen non identifié à une espèce connue. Pour que cette application soit possible, il est nécessaire de développer des bases de données permettant de lier les noms d’espèces à des séquences d’ADN, au travers de spécimens identifiés par les spécialistes et référencés dans des collections. Les scientifiques du monde entier constituent ainsi une importante base de données de séquences d’espèces connues, et utilisent également le séquençage comme outil d’analyse et d’exploration d’espèces inconnues.

Premiers résultats

Ce grand inventaire a révélé une caractéristique surprenante pour les scientifiques : le sud-ouest de l’océan Indien n’a rien de comparable, en termes de biodiversité, avec d’autres régions de la province biogéographique indo-pacifique. En effet, les espèces échantillonnées, bien que moins nombreuses qu’en Nouvelle-Calédonie ou aux Philippines par exemple, sont pour près de la moitié des espèces a priori inconnues. Les scientifiques sont donc rentrés du terrain avec de belles présomptions de découvertes qui furent confirmées.
Plus de 500 espèces d’algues ont été identifiées, et plus de 1 500 espèces de mollusques, avec un taux d’endémisme voire de micro-endémisme assez important Mollusques.
Plus de 500 espèces de crustacées ont également été collectées.

Au Nord, la campagne a été menée en complémentarité avec un inventaire du benthos au Mozambique fait à peu près à la même période. Elle a révélé notamment des habitats et une biodiversité très différente des deux côtés du canal du Mozambique, alors que l’on s’attendait à trouver des écosystèmes relativement similaires. Au plan des communautés liées aux marges continentales, une découverte particulièrement intéressante, à la fois du point de vue de la biodiversité mais également sur le plan océanographique, a été faite au cours de cette campagne. En effet, des communautés biologiques liées aux zones de suintements froids (ou « sources froides ») ont été découvertes sur le cône sédimentaire de la Betsiboka (le plus grand fleuve de Madagascar), à 850 m de profondeur. Si de tels environnements sont connus et bien étudiés dans l’Atlantique (cônes sédimentaires des fleuves Congo, Niger, Orénoque, Mississippi, etc.), c’est en revanche la première fois qu’ils sont révélés dans l’Océan Indien.

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